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samedi 27 novembre 2010

Prix Medicis 2010 : Naissance d'un pont

Après le pont de Michel-Ange (post du 23/11) qui est resté à l'état d'esquisse, je suis passée à la naissance d'un pont... en dur.

Dès la couverture on est intrigué : l'auteur, une femme, Maylis de Kerangal dont le nom aux sonorités poétiques évoque la Bretagne, les côtes rocheuses et les embruns, et puis le titre "Naissance d'un pont" qui nous renvoie à une réalité très concrète, très matérielle.

Dès les premières pages, on est surpris par l'écriture. Elle est précise, rapide, claire. Et pourtant les phrases sont longues et les descriptions nombreuses. Mais si certaines phrases dépassent les dix lignes, c'est parce que l'auteur en casse les structures classiques. Bien souvent, pour aller plus vite les virgules, les tirets, les deux points remplacent les points comme si l'auteur était pressé de nous entrainer avec elle dans la construction de ce pont menée par un certain Diderot "mon nom est Diderot et ce qui me plait à moi, c'est travailler le réel, faire jouer les paramètres, me placer au ras du terrain, à la culotte des choses, c'est là que je me déploie...Dans ce récit, on croise des hommes et des femmes venus de près ou de très loin sur ce chantier par besoin, par opportunisme ou par amour du métier. On se heurte à la matière : le béton, les câbles, les filins, les poutrelles, les fourreaux, la maille, les grues, les excavatrices, les camions, les baraquements. Et on entre dans un mouvement incessant qui peut donner le tournis "ils boulonnent, réparent, soudent, défoncent, explosent, dynamitent le fond du fleuve, pulvérisent la couche sédimentaire, retaillent les berges, applanissent les haut-fonds..."
La naissance de ce pont ne se fait pas sans difficultés car elle provoque de nombreuses luttes : le béton contre la forêt et ses habitants, le développement contre la nature, le mouvement contre le conservatisme (ou peut-être seulement la conservation).
C'est un livre très riche à découvrir, original sur le fond et sur la forme. Tout de même à noter quelques longueurs et notamment un chapitre entier sur l'histoire de la ville qui ne m'a pas paru indispensable et une trame romanesque assez faible qui aurait peut-être gagné à être plus consistante.MBS

1 commentaire:

  1. Parfaitement d'accord avec votre analyse.
    J'ai dévoré ce livre, subjugué par le style, il y a quelques passages magnifiques, forts d'une puissance d'évocation ...
    Je suis par contre également plus réservé sur la faiblesse relative de l'histoire.

    Au moment du bilan, je reste malgré tout enthousiasme, et recommande de ne pas passer à coté de ce livre, de ce style.

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