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mardi 1 février 2011

Des gens très bien d'Alexandre Jardin***

J'ai le même âge qu'Alexandre Jardin. J'ai fait sa connaissance avec Fanfan à la fin de mes études à 23 ans. Depuis, je suis ses livres, son parcours et les attaques dont il fait l'objet de la part même de ceux qui ne l'ont jamais lu. Depuis le début, Alexandre agace voire exaspère les journalistes et les bien-pensants. On lui a reproché sa puérilité, son refus de devenir adulte, disons-le, sa niaiserie. A ça, Alexandre Jardin répond : "Ce qu'on me reproche, je le revendique".
C'est probablement pour ces mêmes raisons que j'ai de l'affection pour lui, au delà de ses livres. Oui, j'ai aimé Fanfan, Le Zèbre, Bille en tête... dans lesquels Alexandre Jardin mettaient tant d'imagination et d'énergie pour construire un monde rose et merveilleux. Bien sûr, il fallait lire ces livres comme des fables faites pour souffler un peu d'une réalité souvent si différente. Et puis un jour, je l'ai croisé dans une pharmacie du XVIIe. Il était apparemment venu chercher sa dose d'anti-dépresseurs. Rose dehors, noir dedans. Troublée, je n'ai pas osé lui parler, mais je me suis dit que ce jeune homme devait gérer bien des paradoxes.
Samedi dernier, j'ai entendu Eric Naulleau dans l'émission Ca balance à Paris, vomir son mépris sur Alexandre Jardin, un mépris épidermique, déraisonné. J'ai couru acheter "Des gens très bien" et l'ai lu d'une traite. Avec ce livre, Alexandre Jardin laisse tomber le rose pour le noir profond. Il crie sa douleur d'être le petit-fils de Jean Jardin Directeur de Cabinet de Laval de mai 1942 à octobre 1943, donc pendant la rafle du Vel d'hiv de juillet 1942. Une fois de plus la critique lui tombe violemment dessus. J'ai beau lire et relire les reproches qui lui sont faits, je ne les comprends pas. On lui reproche d'être pompeux, maladroit (après lui avoir reproché d'être simplet). On lui reproche de déterrer des cadavres et de trahir les siens pour faire du papier (C'est vrai, que cette vérité est gênante). On lui reproche d'attaquer sans preuve car effectivement il ne reste aucune trace du moindre trait de stylo de Jean Jardin, ni chez lui, ni aux archives nationales, ni nulle part. Certains en déduisent donc qu'il n'y a rien à voir, Alexandre s'interroge sur ce vide absolu pour le moins surprenant. Ce qui reste, ce sont des amitiés avec des personnalités du régime de Vichy, des intellectuels favorables aux lois anti-juives, des allemands si raffinés en mission en France. Après-guerre, Jean Jardin ne sera plus résident en France mais en Suisse. Il alimentera fortement le financement occulte des partis français de gauche comme de droite, se garantissant ainsi une certaine protection. Alexandre Jardin a écrit se livre pour mettre fin au travestissement de la réalité, pour que la vérité soit dite, que la question de la cécité de sa famille et de nombreux Français pendant la seconde guerre mondiale soit posée, pour "se laver de son ADN", pour pouvoir renaître.
Publier ces pages encolérées reste pour moi une réparation minimale. Elles me permettent de renoncer aux bénéfices sympathiques de notre légende et assurent une certaine sape de notre crédit...Je signe ces pages comme on refuse un héritage devant notaire. Pour sectionner une filiation après l'avoir reconnue. L'abaltion du passé suppose forcément la trahison; afin de ne pas se trahir.
C'est un texte très bien écrit, qui prend aux tripes... et à la conscience. On a le sentiment d'un livre historiquement documenté (même si ce n'est pas un document d'histoire), mûri pendant de nombreuses nuits blanches et finalement écrit en un jet avec une plume qui ne peut plus s'arrêter de questionner, de saigner. Il y a certes quelques excès, mais ne nous trompons pas, il s'agit là d'une oeuvre littéraire, du cri d'un homme qui souffre "Le nain jaune (son grand-père) avait contribué à désenjuiver la France; cela fait dix ans que j'essaie de l'enjuiver". Pour moi, un livre à lire absolument.
Sur la même thématique "enfant de salauds", regardez la vidéo de Gérard Garouste, dont le père antisémite affiché, s'est "nourri" des biens des juifs pendants la guerre. Extrêmement touchant.

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